J’ai la chance de connaitre deux personnes magnifiques. L’une est brune, l’autre est blonde, l’une est drôle l’autre est profonde. Elles sont toutes deux belles avec ce que le bon dieu leur a accordé comme grâces, chacune à sa manière, chacune dans son registre. Ces deux personnes vont mal l’une à cause de l’autre, et pourtant elles ne se connaissent pas !
Lorsqu’elles vont mal, chacune d’elles poste frénétiquement images d’elles sur Instagram, Facebook et Snapchat. Des images flatteuse et aguicheuses, de celles qui captent le regard des badauds. Elles scrutent, rafraichissent leurs sessions, guettent les like[1] salvateur qui viendraient apaiser leur mal-être du moment. Le like est leur source de validation, la preuve qu’elles sont appréciées, la preuve qu’elles existent. Elles deviennent pareilles au paysan qui guette la pluie en temps de sècheresse. Il pleuvra du like inchallah ! Si la pluie nourrit la terre, le like apaise l’égo lorsqu’il est aux abois. Peu importe sa provenance, pourvu qu’il nous soit destiné.
Pour un instant, pour instant seulement, moi je la crois monsieur. J. Brel.
Un soir de décembre, une voix plaintive et désordonnée me dit au téléphone qu’elle ne s’aime pas, qu’elle est déçue par son bilan de vie et que le bonheur des autres l’insupporte. C’était la brune.
– Mais de quel bonheur tu parles ? Lui dis-je.
– Celui des autres
– Mais quels autres ?
– Mais tous ! tu ne les vois pas sur Facebook avec leurs enfants et leurs vacances ? Ils sont heureux et ça me fait chier, moi je ne le serais probablement jamais !
Ce soir-là, il m’était impossible de lui faire comprendre à quel point elle était belle, unique, et accomplie à sa manière. Ce soir-là trop de chimères l’avaient malmenée. « L’enfer c’est les autres » disait Sartre.
24h heures plus tard, j’ai eu un autre appel, c’était la blonde. En pleurs, elle tenait pour vrai que sa vie n’avait pas de sens, que personne ne se plaindrait si elle venait à disparaître. Ce soir-là, elle était invitée à une fête de retrouvailles qui ne ferait que lui rappeler sa déchéance et rajouter à son agonie ; elle ne voulait pas y aller. Le soir venu, elle a pourtant posté des photos exquises de ladite soirée avec des commentaires tout aussi exquis. Non seulement elle y était allée mais elle y paraissait radieuse. La vie était belle, si l’on en croyait la façade.
L’une compensait son mal être avec la chasse aux likes, l’autre prenait ce qu’elle voyait pour argent comptant. Elles étaient tantôt bourreau, tantôt victime, l’une de l’autre, suivant qu’elles postaient des mirages où qu’elles s’en abreuvaient. L’épidémie était lancée et personne n’en sortirait heureux.
« l’enfer c’est les autres », le paradis est en soi.
[1] Like (j’aime en anglais), bouton qui permet à un utilisateur de manifester son intérêt pour un contenu sur les réseaux sociaux (page personnelle, commentaire, photo, etc.
Il pleuvra du like inchallah ????????
😉
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