Les faits sont réels et avérés
Il est seize heures, je suis sur une route nationale qui ne vient de nulle part et qui ne mène nulle part, je m’arrête dans la pharmacie d’un village fantôme où il règne une ambiance de Western spaghetti.
L’assistante du maître des lieux, une dame d’une certaine circonférence est en train de gesticuler devant un parterre de dames d’une envergure similaire. Elles sont toutes accoudées au comptoir, et depuis fort longtemps. Je dis ça parce que de mauvaises herbes avaient poussées leur djellabas, preuve irréfutable s’il en fallait de leur mauvaise graine, et pour cause, elles sont allègrement en train de médire du reste des habitants du village.
Je tends mon ordonnance à la maitresse des lieux et prie pour que ça aille vite. Les dames se taisent, elles me scrutent méthodiquement, chacune dans son coin. En prenant l’ordonnance, la maitresse d’orchestre me dévisage et se retourne vers une de ses groupies et lui lance un truc surréaliste :
– Khadija, regarde, celui-là, il a le même truc qu’a ton mari.
– Meskiiiiin (le pauuuuvre), Et ça va mieux ? me dit-elle avec une compassion grossièrement feinte.
Khadija, ayant trouvé une amorce, se retourne vers l’assistance et se lance dans un « Moi mon mari avait ceci cela, et bla bla bla…», elle ne m’écoutait déjà plus. Un grain à moudre, un os à ronger, du fuel pour une discussion, voilà ce que j’étais pour la pharmacienne et son conclave. Je dois cependant reconnaitre l’ampleur de son aplomb : elle médisait de moi en ma présence. Elle enrobait cela des « lah isawb » auxquels j’acquiçais.
La pharmacienne part me chercher mes medocs après m’avoir jeté dans la fosse aux lionnes. Celles-ci continuaient à me regarder de manière faussement désolée en se délectant de la sucrerie qui leur a été offerte : mon intimité. Celle-ci tournait comme un ballon de volley-ball livrée à l’assemblée. Il y’eut passes, manchettes et smash, ça a duré une vie.
Pourquoi est-ce que je devais subir le même sort que le mari de Khadija alors que je n’avais pas fait ses choix maritaux ? D’ailleurs, ce médicament était-il un tant soit peu efficace ? Avait-il aidé son mari à guérir ? On ne me gratifia d’aucun éclairage. Je pense qu’elle-même se moquait bien de l’état de son mari, pourvu qu’elle en parlât, pourvu qu’elle puisse s’en plaignit.
Quoi qu’il en soit, j’étais moins à plaindre que lui car quel que soit le stade de sa maladie ou de sa convalescence, je n’avais pas Khadija pour épouse. Ça me consolait un peu, car pour autant que je sache, il n’y a pas de remède connu contre cela.
Je suis mort de rire ??????
Très drôle, finement décrit, bravo je peux connaître le nom de la maladie ? Curieuse toute marocaine qui se respecte. Lol
Hahaha, oui je vois ça. Honnêtement je ne me souviens même plus Amina. Merci beaucoup de me lire.
Très bien écrit… toutefois on ne sait toujours rien de votre maladie… ni si vous allez y rester… Dites-vous au moins si la maladie du mari de Khadija est virale… vu le nombre de comparses …
Je ne me souviens même plus exactement. C’etait plus un truc du genre sinusite (vaguement). C’etait plutôt la réaction des dames qui était virale 🙂 Merci beaucoup de me lire Lokmane.
Trop top, beaucoup de finesse d esprit et de subtilité…
Merci beaucoup beaucoup Nargiss.
Je vois dans les commentares: » vous ne dîtes rien sur votre maladie ».
Vous n’avez pas compris la leçon en lisant ce petit texte .cela ne nous regarde pas comme cela ne regarde pas les commères qui sont dans la pharmacie.
rien pige !!!!aucun sens
Tout y est : la (vraie et si peu parlée de nos tristes jours) langue de Molière, l’état lacunaire et catastrophique des établissements sanitaires en zone rurale, la désertion des cervaux vers les zones citadines (et à l’étranger), l’absence totale de contrôle de la part du Ministère de tutelle, les ragots et cancans faute d’occupation saine des caboches de la gent féminine rurale. Grand bravo. Respect et chapeau bas.
Génial
Merci beaucoup Claude, il en arrivera d’autres bientôt.
Je m’étais promis de lire un article par jour pour perdurer le plaisir ! Hélas la tentation était trop forte. Il suffit que j’aie un petit moment et hop je cours me pencher sur un nouvel article. Une très belle plume, un brin d’humour très élégant, la description y est juste entrainante. J’espère voir de nouveaux articles régulièrement, je serai fervente lectrice.
Très bon courage.
Merci beaucoup Hala 🙂 !!!