Les faits son réels et avérés
Gare de Casablanca Oasis. Il est 15 heures et j’embarcustom baseball jerseys OSU Jerseys College Rugby Jersey nike air max 270 adidas juventus 22 23 best football jersey wigs for women adidas juventus 22 23 yeezy shoes for sale best football jersey rose toy adult seahawks jersey College Football Jerseys LSU Football Jersey cheap human hair wigs que pour Marrakech, jusqu’ici tout va bien ! Le train est bondé, alors je patiente entre deux wagons, je m’amuse des fautes d’orthographe des affiches de l’ONCF, je regarde les nuages, j’essaie de leur donner des formes d’animaux préhistoriques.
Je réussis à trouver une place deux gares plus loin, à la faveur d’un arrêt à Settat. Me voilà assis en face de deux jeunes filles et d’un Anglais. Les deux jeunes filles, grassouillettes et copieusement maquillées, doivent avoir la vingtaine. Assises coté fenêtre, elles s’excitent sur le tube khaliji[1] du moment dont elles reprennent le refrain sans connaitre les paroles. Le volume du Smartphone est à fond et le haut-parleur menace de lâcher. Le jeune Anglais, maigre et pâle, reste imperturbable en lisant son livre. Il ne proteste pas, le bon dieu le lui rendra un jour.
A ma gauche, côté porte, est assis un monsieur qui doit avoir la cinquantaine, il a une grosse moustache et un gros bide, le genre de bides que des balles réelles peineraient à traverser. C’est un monsieur blindé. Sa moustache, fort fournie et fort jaunie par le tabac et autres substances, est une moustache dite participative, il s’en sert pour prémâcher ce qu’il mange, c’est ce que je me dis.
A ma droite, côté fenêtre, un jeune homme contrarié d’environ vingt ans s’acharne sur son Smartphone, il soupire à chaque message reçu et y répond avec des insultes qu’il marmonne avant de les écrire. Ses habits sont du derniers chic imitation, il porte une casquette à paillettes qui se fait le relai des rayons du soleil, à la manière d’une boule à facettes de discothèque.
Prenant mon carnet et stylo, j’essaie de coucher sur le papier des pensée vagabondes. Peine perdue avec la cacophonie ambiante, alors je décide de manger un sandwich au thon. J’en propose un peu à mes voisins, et ce faisant, je commets une erreur tactique de taille : j’échange avec eux deux ou trois platitudes d’usage. La suite des évènements en sera plus ou moins la conséquence directe.
Le jeune freluquet assis à ma droite me demande ce que je suis en train d’écrire. Je réponds à côté mais le fougueux insiste. Je lui confie alors très sérieusement que je suis en train d’apprendre à lire et à écrire, pour qu’il me lâche. Remarquant que mes notes sont en anglais, il se met à me parler dans un angliche boiteux en espérant que l’Anglais le remarque, il n’en fut rien. Non seulement son anglais est en arabe, mais il est irrité que je ne comprenne pas ce qu’il me raconte ! Trouvant ses intrusions cavalières et son anglais chétif, je décide de mettre un terme à notre affinité unilatérale. Je mets mes écouteurs et feins de l’ignorer. Peine perdue car il se met à me tapoter sur l’épaule et à faire des signes pour m’interpeller. Je sens que je vais lui en coller une.
– Tu ne m’entends pas ?
– Non j’écoute de la musique
– Quel genre de musique ?
– De la musique de sourds. Il faut me laisser travailler maintenant !
Pendant ce temps, l’Anglais lit toujours son livre.
Quelques stations plus loin, en revenant d’une pause pipi, je surprends le jeune fourbe en train de déchiffrer mon manuscrit, d’ausculter mes pensées. Je lui arrache le carnet des mains en lui demandant ce qu’il foutait avec.
« Mais c’était posé, Là ! »
La réponse est désarmante, le regard tragiquement sincère et la logique implacable. C’est vrai « C’était posé, Là ! » ; aucun barbelé, aucune pancarte autour, pas même l’ombre d’hommes armés qui le surveillent ! Alors oui, mon calepin était vulnérable, et donc offert à qui veut bien le lire ! Désarçonné, je suis partagé entre une colère dévastatrice et un rire implosif. A l’assassinat je préfère le rire, pour des raisons carcérales évidentes.
Pendant ce temps, l’Anglais lit toujours son livre.
A peine remis de cette histoire, Moustache (à ma gauche) m’interpelle sur les petites nanas. Celles-ci galopaient vers le couloir, la clope au bec. Il me dit alors sur le ton de la confidence, assuré de la convergence de nos opinions :
– Pfff, c’est ça les mères de demain !
J’évite à ce moment précis tout contact visuel avec Moustache. Tout ce que je pourrais dire ou laisser transparaitre sera pour lui autant d’occasions de rebondir sur un sujet qui au mieux m’indiffère. Même la négation la plus franche aura valeur d’adhésion aux yeux de Moustache. Assoiffé de validation, ivre de vérités bien ancrées et bien profondes, il ne me lâchera plus jusqu’à Marrakech. J’ai eu déjà assez de mal avec le jeune freluquet, alors non merci Monsieur, j’ai bien appris ma leçon !
Je sens que le regard de moustache est posé sur moi, qu’il est à l’affut d’une complicité opportune. Ma paix sociale tient à ce moment-là à un regard égaré de ma part. C’en serait alors fini de ma neutralité systématique, mon indifférence commode, autant de bouées de survie dans un flot constant de préjugés et d’étiquettes, de procureurs et de juges autoproclamés.
Agacé, Moustache se lance alors dans un inquisitoire systématique d’à peu près tout ce qui existe. Il critique l’inertie des pierres, l’informité de l’eau et la vacuité de l’éther. Tour à tour, on trouvait dans le banc des accusés :
- Les gamines d’en face, qui ont l’insolence d’être maquillées et de fumer;
- La jeunesse (Marocaine ou autre), qui n’a plus le sens des valeurs;
- Le Marocain, qui n’est pas à son image et ne partage pas sa vertu;
- Tout pays autre que le Maroc (car on n’y partage pas son sandwich au thon);
- Plus globalement, le reste de l’humanité (pour des raisons que je n’ai pas écouté).
Pendant ce temps, l’Anglais lit toujours son livre.
Pris entre le marteau et l’enclume – moustache et freluquet –, je mets mes écouteurs en faisant semblant d’être concentré sur ce que je fais semblant d’écrire (freluquet essaie encore de lire pardessus mon épaule). Par moments, l’un ou l’autre, n’appréciant pas mon silence grossier, me tapote sur l’épaule ou passe la main devant mes yeux pour forcer mon intérêt. Je suis excédé mais j’opte pour l’indifférence. A chaque fois que l’un deux m’apostrophe, j’enlève un écouteur, je dis négligemment « oui », puis je remets mon casque. Ça ne dissuade personne, et ils continuent à me chahuter. La suite du trajet fut donc une suite de « Oui » ; un « Oui » qui veut dire « je m’en fous, je ne comprends rien à ce que tu me dis et j’aimerais que ça continue ainsi, pour toujours ». De grâce, faites comme si je n’étais pas là, ou encore mieux, faites comme si j’étais là et que j’étais flic, car ayant certainement des choses à vous reprocher, peut être alors ferez-vous silence.
J’aurais dû le garder pour moi ce sandwich, j’aurais dû garder le silence qui va avec, j’aurais dû garder fermée la vanne des familiarités. J’aurais dû faire semblant de lire un livre et prétendre que j’étais un Anglais.
[1] Musique de le péninsule arabique.